Eclairer les rues toute la nuit est une aberration : coût en énergie, atteinte à la biodiversité et disparation du ciel étoilé sont les conséquences de cet éclairage inutile.
Depuis 20 ans, l’éclairage public a presque doublé et il y a actuellement 11 millions de point lumineux en France ; les autres dispositifs lumineux (enseignes, devantures de commerces, publicités) se sont également multipliés.
Néanmoins, ces dernières années, une prise de conscience cette pollution lumineuse a émergé ; la législation de décembre 2018 a fixé des limites à tout ce qui contribue à la pollution lumineuse : vitrines, éclairage des bureaux, chantiers ; elle a instauré des plages horaires pour les enseignes lumineuses. Et de même qu’il existe une trame verte et bleue pour les milieux naturels et aquatiques, la notion de trame noire est apparue : il s’agit d’un réseau de corridors caractérisés par une certaine obscurité et dont le but est de protéger la biodiversité nocturne de la pollution lumineuse. Diminuer l’éclairage permet aussi de pouvoir de nouveau distinguer les étoiles dans le ciel.
La biodiversité est en effet majoritairement nocturne. Ainsi 65% des invertébrés et 28% des vertébrés vivent au moins partiellement la nuit. Comme tout le vivant, de nombreuses espèces sont menacées par les activités de l’Homme et notamment par les nuisances lumineuses. La lumière artificielle affecte les espèces en agissant de façon attractive ou répulsive et en impactant ainsi les fonctions telles que les déplacements, l’orientation, la communication, la reproduction, l’alimentation ou les processus cellulaires.
En ce qui concerne l’éclairage public, le moyen le plus simple pour le réduire est d’éteindre les lampadaires aux heures où ils sont inutiles. Les solutions où les passants peuvent allumer les lampadaires à la demande sont inenvisageables à un coût raisonnable.
Eteindre les lampadaires, disons entre minuit et cinq heures du matin, est simple techniquement et ne demande aucun investissement ; l’impact de cette mesure sur nos activités est minime : les voitures sont équipées de phares, il n’y a aucun train qui circule dans nos gares pendant ce créneau (le premier train est à 5h13 à la gare des Clairières et 5h17 à Vernouillet-Verneuil). Le cas de personnes qui se déplacent à pied à trois heures du matin sans être équipés de téléphone portable est extrêmement rare. Des adaptations peuvent être envisagées pour maintenir l’éclairage plus tardivement dans la nuit du samedi au dimanche.
Mais là n’est pas la question : ce qui revient en permanence lorsqu’on parle de couper l’éclairage la nuit, c’est la sécurité. Dans nos sociétés modernes, comme nous n’avons que très peu de confrontation avec l’absence d’éclairage, notre imaginaire associe l’obscurité au danger. Nous nous sommes habitués à la multitude de voyants restant allumés dans nos logements et à ce que nos rues et nos jardins soient éclairés en permanence.
Il n’existe pas d’étude fiable concernant l’influence de l’éclairage public sur les cambriolages (cf. article de France 3 du 16/09/2022). Le bon sens n’est pas forcément la meilleure boussole. Ces dernières années on s’est ainsi rendu compte qu’éteindre les lampadaires le long des routes diminuait le nombre d’accidents alors que cela faisait des décennies qu’on implantait partout des lampadaires en pensant améliorer la sécurité routière.
Le risque de cambriolage serait-il plus important dans un quartier non éclairé que dans un quartier éclairé ? probablement non. Les habitants pensent majoritairement (72%) que les cambriolages ont lieu durant la nuit alors qu’ils se déroulent à 80% en journée. Ce qui est sûr, c’est qu’une fois les lampadaires éteints, à chaque cambriolage, on ne manquera pas d’en rejeter la faute sur l’absence d’éclairage avec l’argument que « les cambrioleurs sont plus tranquilles pour agir dans le noir ». Néanmoins, il est clair qu’après plusieurs années d’extinction de l’éclairage public en milieu de nuit, une fois la population habituée, cette mesure sera considérée comme une mesure de bon sens.
La reconquête de la nuit ne concerne pas que l’éclairage public : les copropriétés éclairent fortement les pelouses et les parkings ; les bâtiments administratifs et scolaires, la gare SNCF* de Vernouillet-Verneuil sont aussi source d’une importance pollution lumineuse
ADIV-Environnement se positionne donc résolument pour l’extinction des éclairages en milieu de nuit car la vie a besoin de la nuit. Il est temps de se désintoxiquer de ce monde hyper-éclairé : c’est comme cela qu’on pourra maintenir la biodiversité dans nos villes et pouvoir de nouveau rêver en regardant les étoiles.
* Nous discutons actuellement avec le responsable de ce site pour en diminuer l’éclairage tout en assurant la sécurité des personnels travaillant la nuit.
En complément sur le sujet :
Une boite à outils très complète sur la question de la pollution lumineuse :
Boites à outils – Pollution lumineuse – Azimut230
Un article de France 3 sur la question de l’éclairage vs sentiment d’insécurité :
La trame lumineuse, note de l’Institut Paris Région.
Dans les Yvelines, le Parc Naturel Régional de la Haute Vallée de Chevreuse incite les communes à adapter leur éclairage public. Plusieurs communes ont adopté de façon définitive l’extinction en milieu de nuit :
https://www.parc-naturel-chevreuse.fr/sites/default/files/5ficheoutil_eclairage.pdf
La ville de Houdan coupe l’éclairage public la nuit (article du Courrier des Yvelines du 26/10/2022)
« La vie a besoin de la nuit, la nuit a besoin de nous » : Devise de l’ANPCEN (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes).
Photos :
En-tête : Grand-duc d’Europe face à la ville – Vosges, France © Olivier Gutfreund / Biosphoto.
Dans le corps du texte : Chauve-souris près d’un lampadaire. Site INPN. © Romain Sordello.